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Doit-on réaliser ou non le projet ?
Si la question se pose pour tous les types de projets, celle-ci prend une importance encore plus grande en contexte de projet d’innovation où l’incertitude est grande et les investissements requis sont importants.
Et pourtant, les petites et moyennes entreprises (PME) font peu appel aux études de faisabilité et pour celles qui y ont déjà eu recours, le niveau de satisfaction face au déroulement et aux résultats est souvent mitigé, voir même, défavorable. Il faut dire que la réalisation de telles études présente souvent un coût important par rapport aux budgets des PME. Cependant, notre expérience nous porte à croire que c’est précisément dans le processus de réalisation de l’étude de la faisabilité du projet que les principales frustrations prennent leur source.
La faisabilité de projet se définit comme étant une démarche analytique qui a pour finalité de déterminer si un projet est réalisable. Lorsque la direction d’une PME décide d’y consacrer des ressources, la faisabilité prend souvent la forme d’un nombre restreint d’études, quand il ne s’agit pas tout simplement de rédiger un seul document, plan d’affaires ou autre, pour convaincre les intervenants, les financiers et les partenaires. Lorsque le projet fait l’objet d’un processus de faisabilité plus élaboré, les études sont souvent réalisées selon les disciplines académiques spécifiques, telles que le marketing, l’ingénierie et les finances; l’interaction entre chaque démarche est souvent limitée.
Aussi, les avantages de réaliser des études plus approfondies sont souvent mitigés par le fait d’une seule phase d’examen d’un aspect. Cette façon de faire peut laisser en suspens des besoins d’information qui ne seront pas identifiés ou qui seront formulés plus loin dans la démarche de faisabilité, sans qu’on y consacre des efforts suffisants par la suite. De plus, le cheminement par discipline, l’une après l’autre, limite les possibilités de retour en arrière et peut conduire à consacrer beaucoup d’efforts sur l’étude d’une avenue qui sera finalement abandonnée.
L’étude de faisabilité d’une innovation nécessite des informations sur plusieurs variables. Cependant, il ne s’agit pas simplement d’accumuler des connaissances, mais bien de recueillir celles qui sont requises pour la prise de décision. Par mesure d’efficacité, on cherche autant que possible à s’approprier en premier lieu les précisions répondant le mieux aux aspects les plus à risque de compromettre le projet et/ou qui en constituent des facteurs de succès.
Il convient de souligner que chaque innovation a ses spécificités. Celles-ci pourront prendre leur source dans la situation prévalant dans l’environnement du projet, qu’il s’agisse des décideurs, des influenceurs, des autres parties prenantes et des ressources disponibles. Par contre, elles seront particulièrement marquées par ce que l’on peut identifier comme étant des intrants au processus, soit les ressources informationnelles, méthodologiques, monétaires et humaines.
L’expérience et les travaux universitaires confirment que les intrants conditionnent le contenu et les possibilités de faisabilité d’un projet d’innovation. À titre d’illustration, lorsque l’on examine les projets innovants du point de vue de leurs interactions avec l’environnement interne de l’organisation, on constate la présence de caractéristiques communes aux dossiers à succès, soit principalement :
- l'adaptation du nouveau produit à la stratégie de l'entreprise;
- l'adéquation du nouveau produit avec la technologie, le marketing et les compétences dont dispose l'entreprise;
- un support adéquat du projet par la direction;
- la compatibilité entre les caractéristiques du marché choisi et l'organisation.
Les intrants conditionnent le contenu et les possibilités de faisabilité d’un projet d’innovation, tout comme le type de projet influence sa conceptualisation. Les connaissances des décideurs en lien avec le secteur d’activités, les ressources disponibles et le style de management influencent les démarches retenues. La disponibilité de l’information, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la PME, ainsi que la capacité de la saisir pour en tirer des connaissances utiles à la prise de décision favorisent la réalisation d’une étude de faisabilité pertinente. Cela en tracera aussi les limites, alors que les méthodologies choisies peuvent déterminer la précision obtenue lors de la cueillette des données et de leur analyse.
La démarche de faisabilité doit, entre autres, conduire à un choix qui consiste à réaliser le projet si l'évaluation est positive ou à son rejet lorsqu’elle est négative. Or, elle ne s’arrête pas là. De fait, comme le processus de faisabilité en est un d’acquisition et d’analyse de données et de connaissances, l'évaluation à un point décisionnel donné peut conduire à une conclusion d'insuffisance d'information. Dans bien des cas, la réalisation d'une ou de plusieurs études est justifiée en fonction de précisions requises, du budget et du temps disponibles.
Il convient de rappeler que l'évaluation des projets ne peut faire appel à une information complète. Il faut faire des choix. Il est donc nécessaire de voir la faisabilité comme un processus dynamique où interagissent ces constituants. Elle s'alimente des intrants et traite l'information disponible en vue d'obtenir certains extrants. Ceux-ci sont présentés comme des éléments informationnels requis pour la décision et reflètent un certain niveau de précision. Le résultat de la faisabilité prend alors la forme de diverses options parmi lesquelles le décideur doit choisir. Dès lors, que ce soit de façon intuitive ou plus ou moins structurée, l’analyse confronte les options à des critères d'évaluation, de même qu’à une réflexion prenant en considération les facteurs de risque.
Une fois la faisabilité amorcée, la difficulté réside entre autres dans le choix des démarches et des études, parmi un grand nombre de possibilités et en contexte de ressources limitées. Par exemple, on pourra être amené à faire des choix entre deux types de démarche : choisir de réaliser une cueillette de données qualitatives par entrevue en profondeur afin de connaître l'opinion d'un groupe de clients potentiels ou encore décider d'effectuer un sondage téléphonique en vue d'obtenir une étude comparative des opinions de divers groupes de consommateurs.
En abordant l’étude de faisabilité sous l’angle d’un processus dans lequel interviennent des intrants qu’on fait interagir par itérations pour obtenir les informations utiles à la prise de décision, on peut davantage prendre en main son pilotage et favoriser des résultats satisfaisants. Ce faisant, on est aussi à même d’en comprendre la complexité. C’est d’ailleurs ici qu’intervient l’expérience d’un expert en gestion de l’étude de faisabilité de projets. D'une part, celui-ci peut contribuer à définir une démarche qui permet de réduire les risques par un accroissement de la qualité de l’information utile au décideur (et non pas l’accumulation). D'autre part, ce spécialiste apporte une contribution significative par un pilotage plus efficient du processus de faisabilité de projet.
Ce professionnel doit, à notre avis, aider le dirigeant à définir l’information requise et les études envisageables. De même, il est essentiel qu'il contribue à dresser les critères d’évaluation à prendre en considération et à juger les possibilités. D’ailleurs, considérant les aspects dynamiques et décisionnels de la faisabilité, il nous apparaît essentiel qu'il :
- s’assure de la participation active du décideur ;
- voit à définir plusieurs points de décision ;
- contribue au bon processus d’élaboration et d’analyse des options au sein de la faisabilité.
Enfin, son implication prend également toute son importance dans l’identification hâtive des facteurs de succès et des faiblesses du projet en vue de permettre des choix pertinents en termes d’études à réaliser, ainsi que du projet à évaluer.
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